NOSE IN A DAY : RÉCIT D'AVENTURE !
Quelques 900 mètres plus haut, Raph remonte la dalle finale à la course pour donner la tag au fameux arbre marquant la ligne d’arrivée. Le chronomètre indique 14h30. Yahoo!! Les frontales peuvent rester cachées au fond du sac et on ne manquera pas la pizza sur la terrasse dans la vallée!
En mai 2024, Raph et moi avons grimpé le Nose à la journée. Situé au Yosemite, le Nose est une voie d’escalade traditionnelle de 1000m (environ 30 longueurs) qui se grimpe régulièrement en trois-quatre jours. Grimper le Nose en moins de 24h est communément appelé le Nose In A Day (NIAD).
Pour réussir à grimper rapidement, il n’y a pas vraiment de règles; on grimpe en libre, en artificiel, on attrape les sangles déjà en place et on utilise les protections fixes. Les plus rapides l’ont grimpé en 1h58. Complètement fou!…


Raph sur Middle Cathedral, El Cap à l'arrière! Léo au dessus du Changing Corner
Comment vient l'idée d’un tel projet?

Il y a deux ans avec la famille et quelques amis, on s’est dit que ce serait drôle de grimper le NIADIAU (Nose In A Day In Allez Up).
La Californie ça fait quand même rêver, mais Pointe-Saint-Charles c’est moins loin pour un vendredi! Environ 70 longueurs et 9h plus tard, on avait encore les pieds sur les matelas, mais les bras pas mal fatigués.
Un an plus tard, pendant les vacances de Noël, on discutait avec Raph de ce qui serait un bon projet d’escalade pour le printemps.
Comme on devait traverser le Canada en voiture pour aller travailler en Colombie-Britannique en mai, Raph trouvait que le Yosemite était pas mal “sur le chemin” et qu’on devrait s’y arrêter pour grimper El Cap.
Bon ajouter 2500 km de route c’est pas exactement “sur le chemin”… Mais la graine était semée!
Les deux on aime faire des grandes voies rapidement! Rien de plus agréable que d’enfiler les longueurs sans jamais avoir l’impression de s’arrêter.
Depuis quatre ans, on a accumulé pas mal de kilomètres verticaux pour huiler notre cordée; le NIAD, ça semblait un peu fou, mais on l’avait quand même déjà pratiqué à la salle…!
Pas juste des ours et des canards qui traversent n'importe où.
Comment on s'entraîne physiquement et mentalement pour ce type de projet ?
Endurance, endurance, endurance!!! Faire des ronds sur le Kilter du Mile-end, doubler des voies à Pointe-Saint-Charles jusqu’à faire des séances de 20+ longueurs et finir la soirée avec des push up, pull up et abdos. En dehors de l’escalade en salle, on essayait de fréquemment faire de longues journées de ski de fond et d’escalade de glace (on était en plein hiver!). L’idée était simple: pouvoir faire des longues journées d’activité physique et récupérer rapidement.
Le livre Speed Climbing de Hans Florine est devenu notre livre de chevet. Tout un chapitre sur le NIAD et des conseils précieux pour grimper efficacement. Autant que ça puisse paraître physique, grimper la voie rapidement est un défi de stratégie et de logistique pour la cordée. Par exemple, 5 minutes perdues à chaque relais ajoutent 2h30 pour 30 longueurs!
Pour gagner du temps, on a donc appris à grimper en “short-fixing”. Avec ce système bien rôdé, on ne s’arrête presque jamais! Cette méthode permet au premier de grimper jusqu’au relais, fixer la corde pour que le second la remonte au jumar. Pendant ce temps, le premier repart immédiatement en s’auto-assurant, jusqu’à ce que le second ait rejoint le relais et puisse l’assurer normalement. Quand la personne en tête n’a plus de matériel, elle se vache à une protection, et remonte le rack grâce à une cordelette de 25m et peut repartir!
Une fois sur place, on a grimpé en quatre jours Triple Direct, une voie qui parcourt la moitié du haut du Nose. Ça nous a permis de nous familiariser avec le style d’escalade qu’offre le granite d’El Cap et de dégourdir nos jambes suite aux trois jours de voiture. Après 2 jours de repos, on a grimpé le Nose jusqu’à la longueur 16 pour tester nos systèmes et déposer quatre litres d’eau sur une vire. On a donc pu repérer sans pression le bas de la voie et faire tous les pendules pas trop évidents une première fois.

Raph en artif dans le Glowering Spot pendant notre ascension de repérage
On prend quoi comme matériel pour une telle journée?

On a opté pour l’option pas trop léger, mais bien confortable pour ne pas se faire peur.
Ça se résume essentiellement à un rack double avec plusieurs tailles en triples
- un bon jeu de coinceurs
- plusieurs dégaines
- du matériel d’artif
- une corde de 70 m
- une tagline de 25m
- un revo (pour l’auto-assurage)
- un sac de 22L.
Puisqu’on avait déposé quatre litres d’eau sur la voie à l’avance, on a seulement prit quatre litres dans notre sac au départ. Pour la nourriture, c’était un combo de Snickers, barres, pommes, chocolats et mélanges de noix.
Notre rack pour le NIAD
Depuis combien d’années grimpez vous en trad ?
Sept ans tous les deux.
Quel a été le moment le plus dur ?
Léo: Pour moi c’était clairement la préparation mentale. Le trad ça me prend pas mal plus d’énergie et j’ai souvent peur dans une nouvelle voie. M’imaginer faire autant de longueurs d’affilées me semblait presqu’impossible.
Raph: La section du Great Roof. La fissure du toit était remplie de vase et les petites protections sur lesquelles il fallait se suspendre donnaient des frissons. Un totem noir qui tient un peu par la peur..! C’est le passage qui nous a coûté le plus de temps.
Plus beau souvenir ?
Léo : Ça va sembler drôle, mais je crois avoir découvert une passion pour le jumar de course! Et puis, c’est pas tous les jours qu’on fait des fissures à mains sans fin.
Raph : Grimper autant de granite parfait sans s’arrêter, l’exposition et la musique du téléphone à fond!!!


Comment on récupère après ce style de projet?
Finalement on était tellement prêt à se faire ramasser par le NIAD qu’on s’est entraîné comme des fous. Le lendemain, on était en assez bonne forme et on est allé grimper une autre voie facile sur Middle Cathedral. Pas tous les jours qu’on a accès au beau granite du Yosemite !
Quel est le prochain objectif ou la prochaine aventure ?
On est présentement établi à Nelson en Colombie-Britannique. Le parc des Valhalla à proximité garde un grand Mur de 1000m nommé Dag qui n’a pas encore vu d’ascension à la journée.
Peut-être qu’avec nos leçons El Capitaines…